Pourquoi l’expression : des policiers Nuit et Brouillard ?

Quand nous avions une dizaine d’années, nos professeurs nous ont emmenés voir Nuit et Brouillard , le film d’Alain Resnais. Sous le choc, nous avons découvert ce qu’on n’appelait pas encore la Shoah. L’expression Nuit et Brouillard est restée associée à jamais, dans notre mémoire d’enfants, à ce film, sorti en 1956, à la chanson de Jean Ferrat (1963), et aux camps de la mort nazis.

Pourtant l’expression Nuit et Brouillard a aussi un autre sens : elle a été inventée en 1941 pour désigner un projet précis des dirigeants du IIIè Reich : organiser l’omerta sur la disparition des déportés résistants. Le projet vise clairement les pays occupés : son premier but est d’y terroriser la résistance.

Nacht und Nebel, c’est aussi un programme qui vise à camoufler le crime avant même de le commettre. Le négationnisme de la Shoah n’a pas été inventé après coup : les dirigeants nazis avaient prévu et organisé le déni dès l’origine.

Ce n’est qu’après la guerre, ou parfois pas du tout, qu’on apprenait la fin d’une personne classée NN (Nacht und Nebel). On était resté des années sans nouvelles.

D’ailleurs, on n’a su que bien après ce que voulait dire Nuit et Brouillard. Ce nom de code Nacht und Nebel, c’était la consigne d’omerta des SS, qui visait à répondre à la recrudescence des attentats anti-allemands. La circulaire du 7 décembre 1941 contre "les ennemis du Reich", est rédigée par Hitler lui-même et signée du maréchal Keitel :

« A. Les prisonniers disparaîtront sans laisser de trace.

B. Aucune information ne sera donnée dans les territoires occupés sur leur lieu de détention ou sur leur sort. »

Alors pourquoi associer l’action en France de policiers résistants à l’expression Nuit et Brouillard, liée dans la mémoire aux camps de la mort ?

Parce que de nombreux policiers français ont été classés NN (Nacht und Nebel). Dans le livre Nuit et Brouillard aux bords de la Garonne, l’auteur en fait revivre plusieurs. Pour sa part, Luc Rudolph, dans 5000 policiers en Résistance, en cite de très nombreux.

Pourquoi les policiers ont-ils payés ce lourd tribut ? Parce que, placés sous la coupe immédiate des SS, ils devaient plus que d’autres choisir leur camp. Sans le crier sur les toits bien sûr : pour eux, les risques étaient encore plus importants que dans la Résistance dans son ensemble.

Certains policiers ont saboté des milliers d’enquêtes visant des francs-maçons, des Juifs, des résistants. Beaucoup l’ont payé de leur vie, devenant eux-mêmes Nuit et Brouillard, disparus dans la nuit des camps.

740 policiers furent déportés soit 1 pour 118 (pour l’ensemble de la population française, cette proportion est de 1 pour 345) ; plus de 900 sont morts dans la Résistance.

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